Le double hante...
Vivre constamment avec quelque chose qui tient sur la peau, qui se colle et ne décolle jamais...
Vivre avec une peau dilatée, une peau étirée, torturée...
Vivre avec une matière partagée en deux...
Vivre en voulant fuir, en voulant se débattre...
Vivre malgré tout parce que vivre est une aubaine...
Vivre avec ce machin qui tiraille et qui nous retient...
Vivre avec l'envie de trancher, de rompre, de râper...
Vivre avec cette diformité sans pour autant l'aimer...
Vivre avec cette impuissance cuisante face à la Nature...
Vivre singulier, vivre différent, vivre dur... Mais vivre quand même.
Je n'ai qu'une chose à ajouter ; bravo.
Macha et Dacha Krivoshliapova ont cinquante et un ans.
Elles n'ont jamais vécu l'une sans l'autre.
Macha et Dacha sont des soeurs siamoises.
Attachées l'une à l'autre par la taille, elles ont en commun les jambes, le système sanguin, les organes de reproduction et la vessie.
Elles ont chacune un coeur, des intestins, une colonne vertébrale, deux bras, un système nerveux.
Dès la naissance, elles seront arrachées à leurs parents car elles ne correspondent pas à la norme. En ce début des années 1950, la frénésie de l'expérimentation soviétique est à son comble.
Pendant un demi-siècle, Macha et Dacha ont été enfermées. Elles n'ont connu que les murs sombres des hôpitaux soviétiques, les cloisons de "chambres cellules" d'internats pour handicapés ou cette petite chambre d'un hospice pour personnes âgées au sud de Moscou où elles survivent aujourd'hui tant bien que mal.