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Rym's bubble
7 mai 2006

Seuls et accompagnés

Cet homme avait beaucoup voyagé. Au long de sa vie, il avait visité des centaines de pays réels et imaginaires...
L'un des voyages dont il gardait le souvenir le plus impérissable était sa courte visite au Pays des Longues Cuillères. Il était arrivé à la frontière par hasard : sur le chemin menant d'Uvilandia à Paraìs, il y avait une petite déviation qui allait vers ce pays. Comme il adorait explorer, il prit ce chemin. La route sinueuse s'arrêtait à une immense maison isolée. En s'approchant, il remarqua que la demeure semblait divisée en deux pavillons : une aile ouest et une aile est. Il gara sa voiture et s'approcha de la maison. A la porte, une pancarte annonçait :

PAYS DES LONGUES CUILLÈRES
"CE PETIT PAYS NE COMPTE QUE DEUX
HABITATIONS, NOMMES NOIRE ET BLANCHE.
POUR LE PARCOURIR, VOUS DEVEZ AVANCER DANS
LE COULOIR JUSQU'À L'ENDROIT OU IL SE DIVISE
ET TOURNER A DROITE SI VOUS VOULEZ VISITER
LA NOIRE, A GAUCHE SI C'EST LA BLANCHE
QUE VOUS SOUHAITEZ CONNAÎTRE."



L'homme avança dans le couloir, et le hasard le fit tourner d'abord à droite. Un nouveau couloir d'une cinquantaine de mètres aboutissait à une énorme porte. Dès les premiers pas lui parvinrent des "aïe" et des "ouille" qui provenaient de la pièce noire.
Pendant un moment, les exclamations de souffrance et les gémissements le firent hésiter, mais il décida de continuer. Il arriva à la porte, l'ouvrit et entra.
Assises autour d'un immense table se trouvaient des centaines de personnes. Au centre de la table étaient disposés les mets les plus exquis qu'il fut possible d'imaginer et, bien que tous aient une cuillère leur permettant d'atteindre les plats posés au centre, ils mouraient de faim ! La raison venait de ce que les cuillères, deux fois plus longues que leurs bras, étaient fixées à leurs mains. Tous pouvaient donc se servir, mais aucun n'avait la possibilité de porter la nourriture à sa bouche.
La situation était si desespérée et les cris si déchirants que l'homme fit demi-tour et sortit de la salle en courant.
Il revint à l'embranchement central et prit le couloir de gauche qui conduisait à la pièce blanche. Un couloir exactement pareil au précédent prenait fin devant une porte identique. La seule différence était qu'en chemin on n'entendait ni plaintes ni lamentations. Arrivé à la porte, l'explorateur tourna la poignée et pénétra dans la pièce.
Des centaines de personnes se trouvaient également assises autour d'une table semblable à celle de la pièce noire. Au centre, on voyait aussi des plats exquis, et toutes les personnes portaient une longue cuillère fixée à leur main.
Mais ici, personne ne se plaignait ni ne se lamentait. Personne ne mourrait de faim, parce que tous se donnaient à manger les uns aux autres !
L'homme sourit, fit demi-tour et quitta la pièce blanche. Lorsqu'il entendit le clic de la porte qui se refermait, il se retrouva soudain, mystérieusement, dans sa voiture, en train de conduire sur la route qui menait à Paraìs. 

jorge_bucayCe petit conte, c'est un extrait de Laisse moi te raconter...les chemins de la vie  de Jorge Bucay qui est un bouquin assez particulier je le reconnais, mais qui est vraiment original dans sa démarche puisque le livre n'est en fait que la retranscription des thérapies d'un certain Demiàn avec l'auteur qui est lui même psychothérapeute. Et il avait comme habitude de raconter des contes ou des histoires diverses pour illustre le problème du patient.
Ça peut paraître assez chiant pour certains vu comme ça, mais c'est vraiment prenant parce que toutes ces ptites histoires nous concernent tous et au fur et à mesure, ça fait raviver des ptits souvenirs enfouis et enfuits, qu'on a plus ou moins envie de faire ressortir, mais qui font tout de même partie intégrante de nous...
Et c'est justement ce conte là qui m'a littéralement bouleversée... C'est surtout la vision des gens dans la pièce noire qui m'a fait quelque chose... Je ne sais pas, c'est comme si j'avais déjà vu cette scène en rêve... Ça m'a fait un drôle de choc de la lire après... Mes rêves prédisent mes lectures, peut-être... Nan je crois pas, je ne pense pas que ce soit aussi simple que ça... Enfin bref, on va dire que c'est juste une coïncidence.
Je trouve que ce texte est beau, non-pas par son style d'écriture, qui reste assez simpliste à mon goût, ou par sa fin pas très captivante, mais par sa symbolique. C'est exactement la retranscription des êtres vivants et de leurs habitudes... Et au niveau artistique aussi... Je verrais bien un cout-métrage sur cette scène... Je vois déjà le décor sinistre de la pièce noire, les visages enlaidis par la souffrance, grimaçants de douleur, les mains et les gigantesques cuillères attachées par des chaînes à gros maillons rouillés, et j'entends aussi les cris mordants, les plaintes stridentes qui font frémir la moindre parcelle de l'échine... Je trouve cette vision absolument fabuleuse, dans le sens où elle est exploitable de manière artistique et on pourrait en faire des chefs d'oeuvre... Encore maintenant, ça me hante... J'aime cette image, bien qu'elle soit repoussante à première vue... D'ailleurs j'adore ce paradoxe : aimer des choses repoussantes.
Mais malheur à moi, je ne suis point metteur en scène...
Ça pourrait faire une peinture aussi, un dessin au fusain ou même un clip pour un groupe de rock ou de death metal (mais bon, soyons plus terre à terre...)

Je ne sais pas quel effet ça peut faire sur vous mais moi en tout cas, je suis complètement éblouie par cette histoire...  Bien sûr personne n'a la même sensibilité, donc vous pouvez très bien me contredire. Sans rancune et avec plaisir... 

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  • Une sorte de fourre-tout où l'eclectisme se fait roi et où les sujets sont les êtres des contrées les plus recluses de mon esprit... une sorte d'orgie constante à l'intérieure de ma tête...
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